Bois
35 (h) x 28 x 15 cm
2018
Chiharu Nishijima
1951 née à Tokyo
1971 Kuwazawa Design School 桑沢デザイン研究所
« En regardant le bois, de Zelkova serrata (keyaki, Zelkova du Japon) et de cerisier (sakura), on comprend que dans la nature il n'y a ni lignes droites ni angles droits. Cette observation vaut aussi pour l’humain ! Or la vie moderne exige et valorise la rationalité et la productivité nous obligeant à faire fi des principes du monde naturel. Notre environnement se fragmente et notre vision globale tend à s’estomper.
Au Japon, comme en Europe, les traditions se désintègrent malgré les nombreuses expressions de protestation. La globalisation domine notre planète et nous avons perdu toute notion d'aller de l'avant. Nous, les Japonais, devrions travailler avec la conscience que nos problématiques diffèrent de celles de l’Occident. Depuis 150 ans, le Japon a été obligé de s'occidentaliser mais les problèmes auxquels il est confronté ne sont pas ceux auxquels l'Europe doit faire face. Le Japon a tenté de surpasser l’Occident et ce faisant il est possible qu’il se soit perdu. Ceux qui ne ressentent pas d’appartenance à ce Japon, à l'Occident, ni à aucun autre endroit sont rejetés, les cultures et les traditions s'effondrent, la confusion s'accentue.
Nous vivons au milieu de tout cela et j’ai été éveillée par la parole de Siddhārtha Gautama. Pas celle du Bouddhisme organisé en communauté religieuse, mais la vraie voix, les propres mots de Siddhārtha, l’homme, celui qui a vécu et pratiqué l’ascétisme il y a 2500 ans. Selon l’adage bouddhiste zen, "les humains sont enracinés dans le ciel et la terre, et sont UN avec une myriade de choses". Cela fait référence à l'importance pour chacun d'éveiller son soi originel et de retrouver le sens du temps des âges primordiaux. Les formes quintessentielles aujourd’hui perdues existaient alors. Cette quintessence reposait sur la miséricorde et sur le soi originel. Quand je sculpte mes œuvres, c’est ce qui m’habite : l'humanité. Mes œuvres ne sont pas des sculptures bouddhistes en tant qu'objets de culte, ni des sculptures de style occidental. Je sculpte des figures humaines, des humains libres et dignes.
L'un des concepts les plus importants de Siddhārtha est le Vide / Sunyata (Kū en japonais). Il exprime l'idée que tout est relatif et que les absolus ne sont pas. Toute matière existe dénuée de forme. Selon Ferdinand de Saussure, un linguiste de l’époque moderne, les langages reposent sur plusieurs systèmes de codes, et une langue n’existe que dans ses différences et ses oppositions aux autres langues, et non en tant que telle. C’est pour moi une illustration de ce que Siddhārtha exprime par Kū.
Je commence à me sentir éveillée. Quand je touche le bois, quand je le sculpte, la vérité se révèle. Cela me permet de rechercher et de trouver la vérité en moi. »